Les addictions sont le fléau silencieux des entreprises. Il était auparavant courant d’agir seulement après qu’un événement lié à des addictions se produise. Cependant, les temps ont changé, les modes de consommation ont évolué, l’offre de substances s’est multipliée, et les addictions ne se limitent plus à la consommation de substances. Les employeurs peuvent être tenus responsables s’ils n’agissent pas pour prévenir ces risques.

Examinons pourquoi il est désormais essentiel de mettre en place une politique de prévention des addictions en entreprise.

Parce que les chiffres des addictions en entreprise sont révélateurs.

Les chiffres relatifs aux addictions en milieu professionnel parlent d’eux-mêmes : entre 20 et 30% des accidents du travail sont liés à la consommation de substances psychoactives (alcool, médicaments, stupéfiants)1, et 8,6% des salariés sont confrontés à des addictions liée à la consommation d’alcool2. En analysant ces chiffres plus en détail, on constate que 10 à 20% de ces accidents sont dus à la consommation d’alcool, qui est responsable de 40 à 45% des accidents mortels1.

Concernant la première substance stupéfiante consommée en entreprise, une étude de la MILDECA révèle que 15% des employés consomment du cannabis plus d’une fois par semaine3, et l’INRS indique que 7% sont dépendants du cannabis2.

Il convient également de mentionner les comportements addictifs tels que l’utilisation du téléphone au volant. Les accidents de la route représentent 10% des accidents du travail chaque année, et environ 80% de Français reconnaissent utiliser leur téléphone en conduisant4. Ces comportements dangereux s’ajoutent aux risques routiers professionnels, qui constituent la principale cause d’accidents mortels liés au travail.

Par ailleurs, 37% des actifs utilisent les outils numériques professionnels en dehors de leur temps de travail5, favorisant ainsi une utilisation compulsive et l’addiction au travail (workaholisme). Une vigilance accrue est nécessaire en ce qui concerne le télétravail, car toutes les formes d’addiction augmentent dans ce contexte6.

Ces chiffres à eux seuls devraient convaincre les entreprises de s’engager dans la prévention des addictions, d’autant plus que l’absence de mesures préventives représente un coût élevé pour les entreprises, équivalant à 1,5% de la masse salariale annuelle (arrêts de travail, accidents du travail, absentéisme, etc.)7.

accident travail

Parce qu’il est courant aujourd’hui de rechercher les causes liées aux addictions lorsque survient un accident

Lorsqu’un accident survient, il est désormais courant de rechercher les causes afin de déterminer les responsabilités. Les éventuelles consommations de substances psychoactives sont systématiquement examinées, de même que certaines pratiques addictives, comme l’utilisation du téléphone au volant, par exemple.

Bien que la recherche des conduites addictives ne soit pas encore systématique dans « l’arbre des causes » en entreprise lors d’un accident ou d’un presque accident, cette tendance évolue, et de plus en plus souvent, les conduites addictives sont recherchées, notamment parce que les compagnies d’assurance le demandent régulièrement.

Parce que des collaborateurs en bonne santé et travaillant en toute sécurité dans un environnement sain sans addictions est bénéfique à tous

De nombreuses entreprises pensent à tort que le sujet des addictions relève uniquement du domaine de la santé au travail. Cependant, il est important de faire la distinction entre l’addiction, qui est une maladie et concerne une minorité de personnes, et la conduite addictive, qui est un comportement à risque (abus et excès) plus courant en entreprise.

En réalité, en entreprise, ce sont surtout les conduites addictives qui provoquent des accidents et mettent en danger tous les collaborateurs.

Il convient également de noter qu’une conduite addictive peut potentiellement conduire certaines personnes vulnérables à développer une véritable addiction. C’est pourquoi une prévention des addictions anticipée, coordonnée et structurée permet de détecter précocement les troubles du comportement.

Il est donc essentiel de mettre en place une politique de prévention des addictions en collaboration avec le secteur de la santé, des partenaires internes et/ou externes, ainsi que tous les acteurs de l’entreprise (RH, QHSE, CODIR, représentants du personnel, CSE , CSSCT, syndicats, managers, groupes de travail, comités de pilotage, etc.).

Parce que les responsabilités individuelles et collectives sont engagées sur ce sujet des addictions

L’article L4121-1 du Code du travail oblige les employeurs à « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Les addictions s’inscrivent évidemment dans cette obligation.

Ces mesures doivent inclure :

  • Des actions de prévention des addictions (risques professionnels)

  • Des actions d’information et de formation

  • La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés (contrôles)

En cas de manquement à cette obligation, l’employeur peut être poursuivi pour faute inexcusable en cas d’accident impliquant la consommation d’une substance psychoactive, par exemple. Même en cas de consommation dans la sphère privée d’un collaborateur, l’employeur peut être tenu responsable sur le plan pénal si le collaborateur met autrui en danger. De plus, l’article 1384 du Code civil le rend responsable des dommages que ses salariés peuvent causer à des tiers.

La responsabilité individuelle du collaborateur peut également être engagée pour non-respect de l’article L4122-1 du Code du travail, qui l’oblige à « prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».

De plus, le salarié est tenu de respecter le règlement intérieur de l’entreprise et qui peut encadrer les éventuelles consommations et utilisations. Le non-respect de ces règles peut entraîner des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave.

Parce qu’il est important que les comportements évoluent en matière d’addictions

Avant 1989, les équipements de protection individuelle (EPI) n’étaient pas obligatoires. Il a fallu du temps pour qu’ils s’intègrent de manière évidente dans la culture de sécurité des entreprises. Pourtant, même 34 ans plus tard, il est nécessaire de continuer à sensibiliser et à rappeler leur importance, bien que personne ne conteste plus le fait que ces équipements garantissent une meilleure sécurité.

De la même manière, la prévention des pratiques addictives s’inscrit dans cette culture de santé et de sécurité en entreprise, afin que chacun comprenne que l’enjeu majeur est de veiller à la sécurité de tous. L’entreprise n’est pas un lieu de consommation de substances psychoactives ou d’excès divers. Chaque travailleur doit comprendre et accepter qu’il doit être pleinement en possession de ses capacités (physiques, cognitives, intellectuelles) sans qu’elles soient altérées par une substance ou une distraction, dans l’intérêt de la sécurité de tous.

Parce que chacun doit comprendre et agir pour empêcher les addictions de s’introduire en entreprise

Les causes des conduites addictives en entreprise sont souvent multifactorielles. Les collaborateurs et l’entreprise doivent en prendre conscience et agir autant que possible pour les éviter.

Trois raisons principales expliquent l’apparition des addictions en entreprise :

  • Le collaborateur arrive en entreprise avec déjà un problème de dépendance.

    Dans ce cas, l’entreprise peut, le cas échéant, identifier cette problématique et orienter le collaborateur vers le service de santé au travail.

  • Les conduites addictives sont intégrées dans la culture de l’entreprise.

    Dans ce cas, l’entreprise doit établir un cadre clair et précis concernant les consommations et les usages autorisés, tout en déployant une politique de prévention des addictions.

  • Les collaborateurs consomment pour se stimuler ou s’anesthésier.

    Les risques psychosociaux, les conditions de travail (horaires atypiques, travail isolé, etc.), les troubles musculosquelettiques, le mal-être au travail, les conflits professionnels, etc. sont autant de raisons qui peuvent être à l’origine de conduites addictives en milieu professionnel.

 

En conclusion, la prévention des addictions en entreprise est essentielle pour assurer la sécurité, protéger la santé des travailleurs et maintenir un environnement de travail sain. Les chiffres significatifs, la recherche des causes, les responsabilités individuelles et collectives, la nécessité d’un changement de comportement et la collaboration entre collaborateurs et entreprises soulignent l’importance cruciale de cette prévention. Mettre en place une prévention des addictions permet d’éviter les accidents du travail, de réduire les coûts pour les entreprises et d’améliorer la santé et le bien-être des travailleurs.

Cyrille COTON
Consultant / Formateur en prévention des addictions

1 Inserm, Inpes, MIDLT
2 Étude menée par l’INRS pour mesurer la consommation de substances addictives dans les entreprises françaises en 2022
3 Cohorte CONSTANCES de la MILDECA – Mars 2021
4 Baromètre AXA Prévention du comportement routier des Français 2022
5 Baromètre santé 2014, 2017 (Santé Publique France), (OFDT, 2017), Cohorte CONSTANCES, Étude ELEAS 2016
6 Étude réalisée par ODOXA en 2020
7 MIDLT

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