Tests de dépistage en entreprise : évoluer de la perception répressive à une vision de sécurité

Dans le souci de garantir la santé et sécurité des salariés, le test de dépistage en entreprise, visant à détecter la consommation d’alcool et de stupéfiants, joue un rôle crucial. Cependant, pour que ce test de dépistage soit bien perçu, les entreprises doivent l’intégrer de manière à ce qu’il ne soit pas vu comme un outil de répression, mais plutôt comme un élément essentiel de la culture de sécurité, au même titre que les équipements de protection individuelle (EPI).

Le cadre juridique du test de dépistage en entreprise 

Avant de mettre en place un test de dépistage, les entreprises doivent se conformer à certaines obligations légales. Voici les points clés :

Inscription dans le règlement intérieur

L’employeur doit inclure la possibilité de réaliser un test de dépistage alcool et stupéfiants dans le règlement intérieur. Il est conseillé de souligner qu’il est interdit de travailler sous l’emprise de stupéfiants ou d’alcool, et que le non-respect de cette interdiction peut entraîner des sanctions, pouvant aller jusqu’au licenciement.

Pertinence du test en fonction de l’objectif

Le test de dépistage doit être proportionnel au but recherché c’est-à-dire, qu’il Il doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir. Il concerne notamment les postes à risques.

Selon la définition issue de l’inspection du travail, est considéré comme poste à risques :

  • tout poste exposant le salarié qui l’occupe à un risque de maladie professionnelle, à un risque spécifique d’accident professionnel sur le lieu de travail lui-même, à des agents physiques ou biologiques susceptibles de nuire à sa santé, ou à des agents cancérigènes.

  • tout poste de travail comportant une activité susceptible de mettre gravement en danger la sécurité et la santé d’autres salariés ou de tiers ainsi que tout poste de travail comportant le contrôle d’une installation dont la défaillance peut mettre gravement en danger la sécurité et la santé de salariés ou de tiers.

Il est recommandé aux employeurs d’identifier et de lister ces postes à risques dans le règlement intérieur.

Droit à une contre-expertise

Si un salarié conteste les résultats du test de dépistage, il doit être informé qu’il peut bénéficier d’une contre-expertise. Cette contre-expertise vise à confirmer ou infirmer les résultats préalablement constatés.

Formation des supérieurs hiérarchiques

Les tests devront être pratiqués par un supérieur hiérarchique qui aura reçu une information appropriée sur la manière d’administrer les tests concernés et d’en lire les résultats. Ils sont soumis au secret professionnel sur les résultats. Il est essentiel de rappeler que ces responsables ne sont pas des agents des forces de l’ordre, mais des exécutants appliquant une procédure de sécurité avec neutralité et sans jugement au même titre que les autres sujets sécurité.

Les objectifs du test de dépistage en entreprise

Le test de dépistage revêt une importance cruciale en milieu professionnel, car il poursuit plusieurs objectifs essentiels :

Faire évoluer les comportements

Le test de dépistage a pour ambition de sensibiliser les salariés aux risques liés à la consommation de substances psychoactives en entreprise. On peut le comparer aux radars sur les routes, qui incitent les conducteurs à respecter les limitations de vitesse.

Prévenir les accidents

En évitant la consommation de substances psychoactives au travail, le test de dépistage contribue à réduire les risques d’accidents, préservant ainsi la sécurité des travailleurs.

Détection des collaborateurs en situation d’addiction

Le test de dépistage permet de repérer les salariés confrontés à des problèmes d’addiction, afin de les orienter vers la médecine du travail pour une prise en charge adaptée.

Jeu de rôle et mise en situation comportement à risque addictions

Dans quels cas pratiquer le test de dépistage ?

Le test suite à un comportement altéré

Lorsqu’un salarié présente des signes d’un comportement altéré tels que trouble de l’équilibre, agitation, haleine alcoolisée, difficultés motrices, etc., il est important de consulter un professionnel de santé. Si aucune cause médicale n’est identifiée, un test de dépistage peut être réalisé.

Le test inopiné, collectif et aléatoire

Le test collectif inopiné, pratiqué entre 2 et 4 fois par an, vise à sensibiliser l’ensemble des collaborateurs à la prévention des addictions en entreprise. Opter pour un dépistage collectif permet d’éviter la stigmatisation et de favoriser une approche préventive plutôt que répressive.

Le test post accident ou presque accident

En cas d’accident ou de « presque accident », la priorité reste la prise en charge de la victime par les secours. Si les circonstances le permettent, un test de dépistage peut être réalisé par la suite. Certaines entreprises incluent systématiquement le test de dépistage dans leur procédure après un « presque accident ».

Le choix du test de dépistage

En ce qui concerne le test de dépistage des stupéfiants, il existe une variété de tests sur le marché. Cependant, il est essentiel de choisir ceux calibrés selon les seuils de détection définis par l’arrêté du 13 décembre 2016 pour dépister les substances témoignant de l’usage de stupéfiants. Voici les seuils à respecter :

  • Cannabis : seuil de détection à 15 ng/ml de salive pour le 9-tétrahydrocannabinol (THC).
  • Amphétaminiques : seuil de détection à 50 ng/ml de salive pour l’amphétamine, la métamphétamine et la méthylène dioxymétamphétamine (MDMA).
  • Cocaïniques ou : seuil de détection à 10 ng/ml de salive pour la cocaïne ou la benzoylecgonine.
  • Opiacés (héroïne, morphine, etc.) : seuil de détection à 10 ng/ml de salive pour la morphine et le 6 mono acéthylmorphine.

Concernant le test de dépistage à l’alcool, différentes options de tests de dépistage peuvent être utilisées, tels que les éthylotests électroniques ou chimiques. Ces tests peuvent être calibrés en fonction du taux autorisé au sein de l’entreprise. Il est important de rappeler que les éthylotests chimiques ont une date de péremption à respecter et les éthylotests électroniques doivent être étalonnés une fois par an.

En conclusion

Pour que le test de dépistage soit accepté et compris de tous, il est essentiel de l’intégrer dans une politique globale de prévention des addictions. Il convient de sensibiliser tous les salariés aux enjeux de la sécurité en expliquant clairement la démarche de contrôle. Une formation des managers à la manipulation du test de dépistage est préconisée et l’importance d’une attitude bienveillante et impartiale est indispensable. En mettant l’accent sur la sécurité des salariés et un environnement professionnel sain, l’entreprise pourra progresser vers une culture de sécurité où le test de dépistage sera perçu comme une mesure visant à garantir la protection et le bien-être des travailleurs.

Cyrille COTON
Consultant / Formateur en prévention des addictions

Partagez cet article !